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Ritrovate parti di una statua romana del periodo imperiale


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inrap-copertina-2.jpg

Una statua romana del periodo imperiale emerge in un giardino. Pesa 200 chili e rappresenta un giovane togato. Un monumento funebre?

 

Una statua romana, in pietra, che rappresenta un giovane uomo in toga è stata portata alla luce in un giardino, tra le macerie che costeggiavano l’antica strada gallo romana. “La rimozione è stata relativamente delicata dato il suo peso che superava i 200 chili e per il fatto che presentava numerose crepe. – spiegano gli archeologi dell’Inrap, l’Istituto nazionale francese per le ricerche archeologiche preventive – L’uso della fotogrammetria ha permesso la manipolazione e lo studio a distanza di questo fragile oggetto da restaurare. Questo togatus (nell’antica Roma, togatus significa qualcuno che indossa la toga (toga), che implica la cittadinanza romana) rappresenta un notabile il cui ritratto dai tratti idealizzati è quello di un uomo giovane e imberbe che riprende i codici stilistici imperiali del periodo compreso tra Tiberio e Claudio. Proviene probabilmente da un edificio funerario fino ad oggi sconosciuto.

 
inrap-1-782x1024.jpg La parte inferiore della statua mentre viene portata alla luce © Sophie Nourissat, Inrap inrap-corpo-1024x768.jpg Il torso della scultura, dopo la rimozione del terreno © Thomas Le Saint Quinio, Inrap inrap-testa-1-768x1024.jpg La testa, appena estratta dal terreno © Thomas Le Saint Quinio, Inrap

Il ritrovamento è avvenuto grazie a un intervento dell’Inrap, che ha dato poco fa la notizia dell’importante scoperta avvenuta presso l’agglomerato di Briord, un comune francese di 888 abitanti situato nel dipartimento dell’Ain della regione dell’Alvernia-Rodano-Alpi. Il paese – il cui nome gallo-romano antico era Brioratis – occupa una posizione privilegiata sulla riva destra del Rodano consentendo il traffico fluviale e terrestre tra Lione e Ginevra. Si trova sul terrazzo inferiore di una pianura alluvionale relativamente stretta ma al riparo dalle inondazioni (salvo quelle eccezionali) nonostante la crisi idrologica che colpì il bacino di Malville tra la metà del I e la fine del II secolo d.C.

“L’agglomerato antico venne identificato fin dal XVI secolo mediante ricerche di lapidari e di epigrafia ma è solo a partire dagli anni ’50 che furono intrapresi i primi interventi archeologici da parte della Società di Storia e Archeologia di Briord e Dintorni (SHABE) con il notevole scavo della necropoli di Plantées . – spiega l’Inrap – Gli interventi diagnostici preventivi si svolsero già dagli anni 2000, ma restarono lontani o presso le porte dei centri abitati. Solo nel 2018, in una località chiamata Le Cimetière, a nord-ovest di Briord, una diagnosi ha permesso di scoprire un’antica strada orientata verso il centro del villaggio e ha rivelato gli inizi di un quadro urbano”.

inrap-testa-1024x682.jpg Il volto del giovane togato, dopo la prima pulitura © Jean-Claude Sarrasin, Inrap

Con il sito Ecolus, scoperto nel 2020, situato ancora più vicino al cuore del paese, si è iniziato a portare alla luce un antico quartiere densamente edificato che emerge progressivamente dagli scavi con un insieme di murature, pavimenti, ma anche due vasche e un ipocausto (impianto di riscaldamento a pavimento). “Il sito, sviluppatosi a partire dalla strada installata all’inizio del I secolo, presenta resti dal I al III secolo d.C. aC, mentre il IV secolo segna una netta cessazione dell’occupazione. – affermano gli archeologi – Lo scultore si rifornì di pietra calcarea bianca presso cave che si trovano a una ventina di chilometri in linea d’aria dal luogo del ritrovamento della scultura. Idealizzò le fattezze di un giovane illustre cittadino romano”.

inrap-ortofotografia-724x1024.jpg Il corpo della statua in 3D, con ortofotografia © Pierre Thiolas, Inrap

“Non possiamo offrire un’identificazione più precisa in mancanza di ulteriori indizi, manca un’iscrizione, ma mancano anche le scarpe, la cui forma avrebbero potuto indicarci con maggiore precisione il rango sociale dell’effigiato. – dicono gli studiosi Thomas Le Saint Quinio et Maria-Pia Darblade-Audoin – Il lavoro è stato sicuramente veloce, perché l’opera presenta parti incompiute. La parte posteriore appena abbozzata fa ipotizzare anche l’ipotesi di collocazione della statua in un monumento, contro un muro. Tuttavia, il lavoro è stato svolto per la maggior parte coscienziosamente, tenendo conto della durezza del materiale.

https://stilearte.it/una-statua-romana-del-periodo-imperiale-emerge-in-un-giardino-pesa-200-chili-e-rappresenta-un-giovane-togato-un-monumento-funebre/

 

L’agglomération antique de Brioratis

L’agglomération antique de Briord, Brioratis, occupe une position privilégiée en rive droite du Rhône permettant la circulation par voie fluviale et terrestre entre Lyon et Genève. Elle est installée sur la basse terrasse d’une plaine alluviale relativement étroite mais abritée des crues (sauf exceptionnelles) malgré la crise hydrologique ayant touché le bassin de Malville entre le milieu du Ier et la fin du IIe siècle après J.-C.

L’agglomération antique est identifiée dès le XVIe siècle par le lapidaire et l’épigraphie mais ce n’est qu’à partir des années 1950 que les premières interventions archéologiques sont entreprises par la Société d’Histoire et d’Archéologie de Briord et des Environs (SHABE) avec la fouille notable de la nécropole des Plantées. Des opérations préventives de diagnostic se déroulent à partir des années 2000, mais restent éloignées ou en périphérie du bourg. Ce n’est qu’en 2018 au lieu-dit Le Cimetière, au nord-ouest de Briord, qu’un diagnostic permet de découvrir une voie antique orientée vers le centre du village et révèle les prémices d’une trame urbaine.
 

Le site antique des Ecolus

Avec le site des Ecolus, découvert en 2020, situé encore plus près du cœur du village, c’est un quartier antique densément bâti qui est mis au jour avec un ensemble de maçonneries, de sols, mais aussi deux bassins et un hypocauste (système de chauffage par le sol) partiellement dégagés. Au sud et en contrebas de la voie, les installations sont plus légères et reposent sur des poteaux de bois accompagnant des niveaux de sols, des puits. Le site, s’étant développé à partir de la voie installée dès le début du Ier siècle, présente des vestiges du Ier au IIIe siècle apr. J.-C., alors que le IVe siècle marque un net retrait de l’occupation.

Briord 1
 
 
Briord 2
 
 
Briord 3
 
 

 

Découverte d’une statue de togatus

Une statue calcaire d’homme en toge a été dégagée dans les déblais bordant la voie antique. Son prélèvement a été relativement délicat compte tenu de son poids dépassant les 200 kg et de son état avec un corps présentant de nombreuse fissures. L’utilisation de la photogrammétrie a permis la manipulation et l’étude à distance de cet objet fragile nécessitant une restauration. Ce togatus (dans la Rome antique, togatus signifie qui porte la toga (toge), ce qui implique la citoyenneté romaine) représente un notable dont le portrait aux traits idéalisés est celui d’un homme jeune et imberbe reprenant les codes impériaux de l’époque de Tibère à Claude. Il provient vraisemblablement d’un édifice funéraire inconnu à ce jour.

Briord 4
 
 
Briord 5
 
 
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Briord 11
 
 

https://www.inrap.fr/premieres-traces-d-urbanisme-et-decouverte-d-une-statue-antique-briord-ain-17512

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Une statue de togatus découverte dans l’agglomération antique de Briord (Ain)

A togatus statue discovered in the ancient town of Briord (Ain)
Thomas Le Saint Quinio et Maria-Pia Darblade-Audoin
avec la collaboration de Hugues Savay-Guerraz et Pierre Thiolas
 

Contexte géographique, historique et archéologique

1Le diagnostic effectué par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) à Briord (Ain), rue Saint-Didier, au lieu-dit les Ecolus, a permis de mettre au jour une remarquable statue. Ce village se situe dans le Bugey méridional, sur la rive droite du Rhône, entre Lyon (Métropole de Lyon) à 48 km et Genève (Suisse) à 71 km (fig. 1). Il est en lien avec un axe de circulation constituant un passage privilégié qui suit le Rhône, contourne le massif du Bugey par le sud et traverse une plaine alluviale assez étroite, entre Lagnieu (Ain) et Saint-Genix-les-Villages (Savoie), dénommée bassin de Malville. Encadré par les reliefs du Bugey (Ain) à l’est et le plateau de l’Isle-Crémieu (Isère) à l’ouest, ce dernier s’étend sur 1,50 à 2,50 km de large et se présente sous la forme de terrasses alluviales (Bravard et al. 2008). Le village de Briord, situé sur la berge du Rhône, est relativement abrité des débordements du fleuve avec une partie nord située à plus de 205 m d’altitude. Il serait ainsi épargné par les crues centennales, mais atteint par l’aléa de crues plus exceptionnelles (PPRNI 2017). Le secteur Bugey-Isle-Crémieu a d’ailleurs été marqué par une période de crise hydrologique entre le milieu du ier et la fin du iie s. apr. J.-C., avec des crues importantes et répétées du Rhône (Salvador, Verot-Bourrely 2002) correspondant à un abandon massif de sites en amont et en aval de Briord (De Klijn 1994).

Fig. 1 – Localisation de la commune de Briord (Ain)

Fig. 1 – Localisation de la commune de Briord (Ain)

DAO : T. Le Saint Quinio (Inrap) ; fond de carte : © IGN.

2L’agglomération antique se situe à la frontière entre les cités séquanes et allobroges. Bien qu’implantée en rive droite du Rhône, elle n’est pas comprise dans la cité séquane dont la frontière a été redéfinie localement sur le fleuve entre Arandon-Passins (Isère) et Groslée-Saint-Benoît (Ain) (Buisson 2017). Briord y figure en « tête de pont » avec un passage du fleuve probablement en aval.

3La découverte de la statue dans un jardin lors d’un diagnostic archéologique en 2020 s’inscrit dans une succession de découvertes et d’observations effectuées sur la commune. Cette dernière fait effectivement l’objet d’un suivi de la Direction régionale des affaires culturelles d’Auvergne-Rhône-Alpes (Drac ARA), motivé par la richesse des indices archéologiques découverts (Buisson 2017) dans le secteur et sur les communes limitrophes de l’Ain et de l’Isère en rive gauche (Bertrandy et al. 2011).

4L’occupation ancienne de Briord est d’abord connue par une importante série de remplois lapidaires étudiés au xixe s. Parmi ces blocs inscrits, se distingue un fragment d’autel portant l’inscription [Br]ioratenses, première mention de l’agglomération antique (CIL XIII, 2464 ; ILAin, 2005, 28), découvert à proximité de l’église et déjà signalé au xvie s. par Emmanuel-Philibert de Pingon (Philipon 1911, p. 67). Mais la recherche archéologique ne commence réellement qu’au milieu du xxe s. avec la création de la Société d’histoire et d’archéologie de Briord et des environs (SHABE), laquelle fouille entre 1958 et 1980 la nécropole des Plantées (Perraud 2002). Ce vaste ensemble funéraire installé sur une terrasse haute couvre les huit premiers siècles de notre ère, mais est bien éloigné au nord du village.

5L’essor de l’archéologie préventive a ensuite permis un renouvellement des données notamment grâce à un premier diagnostic de l’Inrap à la station d’épuration (Gisclon 2008), qui a révélé des structures de crémation, en contrebas des Plantées. Il initie une série de diagnostics archéologiques sur la commune avec une première intervention, rue du Cimetière, touchant le centre de Briord (Brouillaud 2011). Ce suivi révèle un contexte archéologique dense (fig. 2 et 3), même s’il repose pour beaucoup sur des découvertes anciennes et des opérations récentes limitées en surface.

Fig. 2 – Carte archéologique de la commune de Briord (Ain)

Fig. 2 – Carte archéologique de la commune de Briord (Ain)

DAO : T. Le Saint Quinio (Inrap) ; fond de carte : © IGN.

Fig. 3 – Contexte archéologique du centre de Briord (Ain), sur fond cadastral et avec les limites de zones de crues

Fig. 3 – Contexte archéologique du centre de Briord (Ain), sur fond cadastral et avec les limites de zones de crues

4, Le Pontonnier : découverte au xixe s. de 4 stèles à inscriptions paléochrétiennes fin ve-début vie s. ; aire funéraire ? ; 8, Les Carrés est : petite aire funéraire à crémations, fin iie-début iiie s. ; 9, propriété Gauthier : murs et bassin antiques ; 18, En Mermont ou Joyans : entre cimetière et calvaire (situation imprécise), un bâtiment gallo-romain ; 23, garage Gauthier (50 m au nord du musée) : découverte en 1963 d’un four ou d’un atelier de potiers (gallo-romain ?) ; 25, Tardinière, station d’épuration : bâtiment et mobilier antiques ; 32, jardin Grobon : hydraulique, dépôt monétaire et statuette de Mercure, antiques ; 43, Le Pontonnier : aménagements de berge ; empierrements, canalisation, voie et murs de l’Antiquité tardive ; 45, Le Pontonnier : petit bâtiment xe-xie s. ; 46, Les Carrés est : habitats et annexes artisanales (métallurgie) des ier-iie s. ; 48, Les Carrés ouest : habitat ier-ive s. ; 53, église Saint-André : substructions, bâtiment avec remplois architecturaux (temple gallo-romain ?) ; 55, croix en pierre du haut Moyen Âge ? ; 57, l’église : découverte en 1967, le long de la façade nord, de 14 sépultures en coffres ; époque médiévale ? ; 60, diagnostic S. Brouillaud, Inrap, 2011 : fossé avec peson et mobilier ier-1re moitié iie s. ; 61, En Mermont : P3 : Le Cimetière 3 : prospection pédestre ; épandage de mobilier, tuiles ; 69, diagnostic S. Bleu, Inrap, 2012 : bâtiment sur potiers, fosses, probable atelier de potiers du Haut-Empire ; 70, diagnostic T. Le Saint Quinio, Inrap, 2019 : voie, bâtiments, puits, métallurgie, aire funéraire ; P1, Le Cimetière 1 : prospection pédestre ; céramique commune grise ; P2, Le Cimetière 2 : prospection pédestre ; tegulae en bordure de cimetière ; P3, Le Cimetière 3 : voir no 61 ; P4, Longeray : prospection pédestre ; tegulae et mobilier antique ; P5, Tardinière : prospection pédestre ; tegulae ; P6, propriété Salles : prospection après travaux, amphores, pesons et céramique.

DAO : T. Le Saint Quinio (Inrap) ; d’après la carte archéologique du SRA ARA, les données de prospection de G. Gaucher [2011] et les informations du PPRNI 2017.

6Si l’agglomération antique est bien identifiée, elle reste mal connue et est censée occuper la surface du village. Un premier diagnostic rue des Écoles en 2018 (Le Saint Quinio 2019) a permis d’observer une trame urbaine débordant au nord-ouest le long d’une voie antique, complétée par l’opération de la rue Saint-Didier.

L’occupation antique

7L’occupation gallo-romaine est attestée dès le Haut-Empire principalement le long des routes D19 et D79a qui auraient repris des tracés antiques (fig. 2), avec des vestiges au niveau des hameaux de Buisson et Verizieu (Ain), sous le village et aux Plantées (Buisson 2017).

8L’agglomération antique de Brioratis n’a pas encore révélé de monument clairement identifié. Elle a toutefois livré un corpus lapidaire et épigraphique abondant, mais relevant de découvertes anciennes, mal localisées ou en remploi, tandis que des substructions de « grande taille » ont été repérées au niveau de l’église Saint-André et pourraient être les vestiges d’un temple ou monument antique.

monument antique.

9Un culte de Mercure est d’ailleurs attesté à Briord par un fragment d’autel votif autrefois en remploi dans le cimetière (CIL XIII, 2461 ; ILAin 2005, 24) et une statuette en bronze à son effigie découverte au jardin Grobon en 1801 (Buisson 2017, p. 171, fig. 100). Une dédicace plus remarquable encore formule le don « en toute dépense » d’un proscaenium, « en l’honneur de la maison divine, au dieu Mercure », par Camulia Attica, vers 180-250 apr. J.-C. (CIL XIII, 2462 ; ILAin 2005, 25 ; Rémy 1992).

10Par ailleurs, un aqueduc souterrain traversant la colline des Bruyarettes au nord semble avoir alimenté la ville en eau. Le plan de cette dernière ne peut encore être dressé, mais sa surface paraît se superposer à l’agglomération actuelle autour de la place de l’église, soit sur environ 6,50 ha limités à l’est par les rues Saint-Didier et du Rhône et s’étendant au nord-ouest jusqu’au cimetière. Des vestiges funéraires et des résidus de métallurgie du fer (le Cimetière, les Carrés) semblent souligner son extension maximale (fig. 3). La trame urbaine connue s’appuie sur la voie découverte au cimetière (Le Saint Quinio 2019), orientée au nord-ouest et se poursuivant sur les photographies aériennes jusqu’à Serrières-de-Briord (Ain) (fig. 2). Enfin, une petite aire funéraire occupée entre les ier et vie s. apr. J.-C. est installée le long de cette voie, au nord du site.

Principaux résultats du diagnostic de la rue Saint-Didier

11Le diagnostic réalisé rue Saint-Didier, au lieu-dit les Ecolus, est la première opération archéologique à approcher le centre de Briord. La stratigraphie rencontrée reste cependant comparable à celle observée au Cimetière : le substrat atteint à partir de 1,20 m de profondeur, à une altitude moyenne de 204,60 m, constitue la basse terrasse alluviale du Rhône dont les sédiments grossiers sont composés de graviers, sables et galets majoritairement tardi-glaciaires (Boës 2021). Sur cette terrasse, un paléosol brun roux meuble, d’environ 0,35 m d’épaisseur, précède l’occupation antique qui se met en place à partir du ier s. apr. J.-C. La phase sédimentaire suivante recouvre toute la parcelle jusqu’au cimetière et probablement toute l’étendue de l’agglomération, sous la forme d’un limon brun gris d’environ 0,40 m d’épaisseur, riche en mobiliers et matériaux de démolition, daté du iiie s. Enfin, la terre végétale non labourée atteint 0,30 m d’épaisseur et repose sur les murs antiques les mieux conservés.

12La voie antique traversant Briord présente ici une surface de gravier calcaire de 8 m de large directement sous la terre végétale. Déjà observée en coupe sur le site du Cimetière (Le Saint Quinio 2019), elle montre une succession de strates de graviers roulés et concassés indurés, en calcaire blanc, sur 0,80 m d’épaisseur. Elle semble utilisée au moins dès le début du ier s. apr. J.-C. et jusqu’à la fin du iiie s. apr. J.-C.

13Dans le sondage où a été découvert la statue, la bordure orientale de la voie est recouverte d’un niveau charbonneux avec rejets de métallurgie (scories, culots de forge, céramique), lui-même recouvert d’une épaisse couche de démolition comprenant la statue et de gros blocs calcaires avec des fragments de mortier de chaux. Ces niveaux débordant sur la voie sont assez riches en mobilier céramique et en terres cuites et sont datés de la première moitié du ier s. apr. J.-C.

  • 1 Nous remercions Elio Polo (Archeodunum) de nous avoir autorisé à reprendre le plan du site (fig. 4)

14La fouille ultérieure, ouverte sur 2 000 m2 (fig. 4), a permis de révéler une trame urbaine légèrement désaxée par rapport à la voie sur laquelle elle empiète au nord et s’installe à partir du iie s. (Elio Polo, étude en cours)1. Le principal îlot bâti est une demeure qui se développe en profondeur avec atrium et à l’arrière des pièces annexes comprenant des sols de béton et des bassins à épais radier évoquant un espace thermal.

Fig. 4 – Plan du site antique et localisation de la statue de togatus découverte aux Ecolus, rue Saint-Didier à Briord (Ain)

Fig. 4 – Plan du site antique et localisation de la statue de togatus découverte aux Ecolus, rue Saint-Didier à Briord (Ain)

DAO : T. Le Saint Quinio (Inrap) ; d’après les plans du diagnostic (Le Saint Quinio 2019) et de la fouille (E. Polo, à paraître).

15La couche de démolition contenant la statue se trouve sous une pièce appartenant à un autre îlot d’habitation bien distinct, séparé par un probable égout et se développant au nord-ouest hors emprise. Ce remblai, entouré de fondations maçonnées semble avoir été rapporté pour servir de radier à un sol de bâtiment plus récent, datant de la fin du ier au iie s. et dont les matériaux de construction ont été fortement récupérés.

16Ce remblai associé à la statue est principalement constitué de moellons en calcaire portlandien du Bugey, dit aussi « choin de Fay » (Savay-Guerraz, Tritenne 2014), qui a été abondamment utilisé en pierre de taille dès l’Antiquité. Il comprend également d’insignes blocs de tuf calcaire sciés et taillés, présentant des faces planes avec des résidus d’enduit blanc et de mortier conservés (Le Saint Quinio 2021, fig. 27). Un des blocs plus particulièrement travaillé possède une moulure avec traces de stuc. Les enduits permettaient de lisser cette roche alvéolaire et légère (travertino), qui était appréciée dans la construction antique comme pierre de taille et d’ornement, mais aussi pour amoindrir les charges des parties aériennes. Ces éléments ont certainement appartenu à la modénature d’une architecture monumentale antique, sinon à un édifice d’apparence soignée.

17Des fragments de dallettes calcaires ont aussi été découverts à proximité, avec quelques débris sculptés de feuilles d’acanthes de chapiteau ainsi qu’un morceau de grand vase en calcaire (E. Polo, étude en cours). Ces indices évoquent l’architecture d’un monument funéraire, probablement un mausolée, qui aurait abrité la statue, mais dont l’emplacement reste inconnu.

La statue

Le matériau

  • 2 L’étude des matériaux est due à Hugues Savay-Guerraz.

18Il s’agit d’une roche calcaire2, de teinte blanche, ferme, de structure fine (peu visible à l’œil nu). Examinée à la loupe binoculaire, elle apparaît entièrement constituée d’oolithes de petite taille, très bien calibrées, presque sans ciment interstitiel (fig. 5).

Fig. 5 – Fragment de la roche employée pour la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Fig. 5 – Fragment de la roche employée pour la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Cliché : laboratoire ArAr, UMR 5138, Lyon.

19Le calcaire oolithique du Bajocien affleure à l’ouest de Briord, sur le plateau de l’Isle-Crémieu (Cartes géologiques de la France à 1/50 000, Bourgoin-Jallieu [Isère] et Montluel [Ain]), de Vertrieu (Isère) au nord à Saint-Marcel-Bel-Accueil (Isère) au sud, mais aussi en rive droite du Rhône au nord de Montalieu-Vercieu (Isère). Tous ces affleurements sont distants de 10 à 20 km de Briord à vol d’oiseau et un échantillon examiné à la loupe binoculaire montre une structure comparable à celle du matériau de la statue, avec des oolithes de petite taille, très bien calibrées. Néanmoins, sur l’ensemble du plateau de l’Isle-Crémieu, ce calcaire ne semble pas avoir fait l’objet d’une exploitation active, sans doute eu égard à son caractère gélif. Le Répertoire national de la fin du xixe s. ne signale aucune carrière ouverte dans cette formation (Répertoire des carrières 1891). Il serait cependant intéressant de poursuivre l’enquête par des prospections et des analyses pétrographiques, afin de mieux connaître cette roche sur l’étendue du plateau. L’analyse des reliefs et éléments d’architecture de l’Antiquité et du Moyen Âge découverts sur le cours du Haut-Rhône permettrait aussi de confirmer son usage éventuel dans le passé.

20Un autre calcaire oolithique, attribué dans ce cas au Bathonien, a en revanche fait l’objet d’une exploitation intensive sur la rive droite de la Saône, dans le Beaujolais (Rhône). Elle est connue par les textes du Moyen Âge, mais l’usage antérieur de ce calcaire est bien attesté à l’époque romaine à Lyon, pour l’architecture et également la statuaire (Savay-Guerraz 2006). C’est la « pierre de Lucenay », nommée ainsi d’après une des communes, avec Anse et Pommiers, qui concentraient de nombreuses carrières actives jusqu’au xixe s. Le faciès le plus « classique » de la pierre de Lucenay se distingue cependant du matériau de la statue par des oolithes de grande taille, la présence d’un ciment cristallin abondant, souvent de teinte jaune, la fréquence de bioclastes (notamment des Bryozoaires). D’autres carrières de calcaire oolithique, exploitées au moins dès le Moyen Âge, ont cependant existé plus au nord, dans la région de Tournus (Saône-et-Loire), sur les deux rives de la Saône : ce sont les carrières de « pierre de Tournus » des communes de Dulphey, Chardonnay, Tournus (Saône-et-Loire) et Farges (Ain), sur la rive droite, et de Lacrost (Saône-et-Loire), sur la rive gauche de la Saône. On constate qu’il existe de notables variations de faciès au sein des calcaires du Bathonien de la vallée de la Saône. On ne peut donc exclure a priori ces provenances, voire une origine plus septentrionale encore jusqu’en Bourgogne.

La sculpture

  • 3 L’étude de la statue est due à Maria-Pia Darblade-Audoin.

21Bien que la statue3 ait été mise au jour en une dizaine de fragments, le départ du cou depuis le buste indique que l’ensemble du document a été sculpté dans un seul bloc de calcaire. Les fragments les plus importants et jointifs forment la tête avec le cou, le buste et le bras droit, ainsi que le bloc bras gauche et bas du corps jusqu’aux genoux. La brisure entre le cou et la tête ne permet pas une jonction parfaite, mais il est indéniable que l’ensemble appartenait à la même statue (fig. 6).

Fig. 6 – Restitution graphique de l’ensemble de la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Fig. 6 – Restitution graphique de l’ensemble de la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

DAO : T. Le Saint Quinio (Inrap).

22Il manque quelques fragments de drapé, un petit morceau du bras droit, mais essentiellement le bas des jambes et les pieds qui devaient reposer sur une plinthe. Il est possible que le sculpteur ait utilisé un soutien bas contre une jambe pour soutenir la figure (par exemple un scrinium cylindrique comme on peut en voir fréquemment auprès des togati). Il avait peut-être aussi laissé suffisamment de draperie au sol pour en assurer le soutien. Des épaufrures marquent la draperie et le buste. La tête est plutôt bien conservée, de très légères épaufrures sont visibles sur le nez, la joue gauche, le cou, la chevelure et le bord des oreilles. Un choc plus important a endommagé le menton.

  • 4 Information : Emmanuel Desroches, restaurateur.

23L’aspect général du travail de la sculpture donne pour les parties visibles un polissage soigné, des traces de râpe très fines, un travail au ciseau exécuté avec beaucoup de soin malgré des maladresses de forme. Il faut signaler l’absence de trépan. L’ensemble de la face arrière de la statue (tête et corps) n’est pas travaillé. Les volumes sont à peine ébauchés et les faces latérales de l’œuvre sont également traitées sommairement. La partie supérieure du bras gauche, perpendiculaire au corps et non visible, n’est pas travaillée mais égalisée proprement. La statue dans sa configuration originale semble être faite pour être vue de face, installée dans une niche ou contre un mur. Un état d’inachèvement partiel est à remarquer : par exemple, la surface derrière l’oreille droite et celle du côté droit du crâne est encore brute. Aucune trace de polychromie n’a été relevée à l’œil nu ou à la loupe lumineuse4.

24La statue représente un personnage masculin, jeune, imberbe, debout de face, vêtu d’une toge, aux proportions élancées et d’une bonne grandeur naturelle.

Tête

Hauteur totale tête et cou restant : 31,50 cm (fig. 7 à 9).

Hauteur tête du menton au vertex : 25,50 cm.

Largeur au niveau des yeux (oreilles comprises) : 20 cm.

Fig. 7 – Dessins de face et de profil de la tête de la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Fig. 7 – Dessins de face et de profil de la tête de la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Dessin : F. Pont ; DAO : T. Le Saint Quinio (Inrap).

Fig. 8 – Vue de face de la tête de la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Fig. 8 – Vue de face de la tête de la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Cliché : T. Le Saint Quinio (Inrap).

Fig. 9 – Vue de dessus, de dos et de profil de la tête de la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Fig. 9 – Vue de dessus, de dos et de profil de la tête de la statue de togatus découverte à Briord (Ain)

Cliché : T. Le Saint Quinio (Inrap).

25Seule la partie visible de la chevelure a été exécutée. Le vertex reste à peine ébauché. À l’arrière, du vertex vers le bas du crâne, la masse capillaire est informe. Une première couronne de mèches très simplifiées a été dégagée sur la partie avant du crâne et est divisée en deux parties qui changent de sens. Le changement de direction s’opère à partir d’un point sommital fixant un axe qui traverse le globe oculaire de l’œil gauche pour rejoindre le coin externe de la bouche. Ces mèches souples et plus allongées surmontent une frange très courte, qui comporte une séparation centrale parfaitement axée à l’aplomb de l’arête du nez. Cinq petites mèches partent vers la droite sur le côté droit du visage et cinq autres partent également à gauche vers la gauche. De part et d’autre de cet ensemble symétrique, aux angles du front, des mèches sont rabattues vers le centre formant de petites pinces. Au-dessus de celle de droite, est visible un petit point, situé à l’aplomb de l’axe du coin externe de l’œil droit. Il délimite le départ de la ligne horizontale qui démarque la frange du reste de la chevelure. Sur les profils, deux séries de petites mèches ont été travaillées, la partie à peine ébauchée avance largement autour du pavillon des oreilles. Sous les oreilles, la masse capillaire informe se détache du cou soigneusement poli et semble descendre assez bas.

26Le visage est un ovale régulier et fin, assez mince au niveau des maxillaires. Le modelé souple et ferme traduit celui d’un visage jeune, fait qui est confirmé par l’absence totale de rides. La frange très courte occupe à peine la moitié du front très lisse et les sourcils en segment de cercle, sensiblement descendants, sont suggérés par une arête vive sur un délicat bourrelet légèrement en relief. Les yeux en amande sont larges et hauts, et les paupières supérieures, taillées par une arête vive, sont plus épaisses. Les globes oculaires sont particulièrement bombés. La hauteur de chaque œil est identique (2,30 cm), mais l’œil droit comporte une légère différence avec un globe beaucoup plus proéminent. Le nez est droit et régulier et les narines sont soigneusement ourlées, légèrement élargies. La rectitude du nez est surtout visible de profil, celui-ci prolongeant le front. Une imperceptible bosse se situe au niveau de l’arcade sourcilière. La bouche courte (5 cm de large) offre des lèvres charnues. Sur les profils, on voit que la lèvre supérieure avance légèrement sur la lèvre inférieure faisant ressortir le menton. Vu de face, le menton est plutôt rond, et de profil il avance sur le maxillaire. Les joues sans marques ni sillons ont un volume plat aux pommettes effacées. Les oreilles possèdent des lobes très charnus et de larges pavillons très dégagés, devant lesquels se recourbe une mèche temporale. Toutefois, on peut remarquer une anomalie dans leur traitement. L’oreille gauche, plus fine, mesure 6 cm de hauteur ; celle de droite, plus imposante, mesure 8 cm de haut et l’arrière n’est pas détaché du crâne, le matériau étant à peine dégrossi. La partie subsistante du cou laisse penser que celui-ci était fin et bien proportionné.

Corps

27La figure debout, de face, fine et élancée, est en appui sur la jambe gauche. La cuisse droite est rejetée sur le côté, le genou fléchi, la jambe chassée sur le côté, ce qui a pour effet de présenter une silhouette fortement déhanchée (fig. 10). Le bras droit à demi plié revient se plaquer sur la poitrine et la main droite agrippe fermement la draperie. Le bras gauche est à demi plié à l’horizontale vers l’avant. Les mains sont travaillées assez grossièrement, les doigts détaillés uniformément. La main gauche tient un volumen très schématisé.

Fig. 10 – Vue du corps de la statue de togatus découverte à Briord (Ain) après remontage et orthophotographie

Fig. 10 – Vue du corps de la statue de togatus découverte à Briord (Ain) après remontage et orthophotographie

Clichés et DAO : P. Thiolas, T. Le Saint Quinio (Inrap).

28Le personnage est vêtu d’une tunique à manches courtes, dont l’encolure arrondie est assez évasée. La toge qui la recouvre offre un beau volume, mais le relief du corps reste bien visible sous la draperie. Toute la partie droite du corps est étroitement ajustée dans des plis mouillés à arêtes vives. La cuisse gauche et son prolongement jusqu’au bas du genou sont moulés dans le tissu sans plis. La toge passe sur les épaules en recouvrant un petit bout de l’épaule droite, tandis qu’elle recouvre entièrement l’épaule et le bras gauche. Des plis ondulés, très souples, tombent de part et d’autre de l’avant-bras gauche. La courbure du pli principal du sinus devait se situer sous le genou droit manquant. Un morceau de draperie rassemblé « en écharpe » retombait de l’épaule gauche pour former sur la poitrine un rabat, ramené vers le centre de la poitrine sous la forme d’un pli épais et souple à la terminaison arrondie, qui va être soulevé par la main droite.

Commentaire

  • 5 Statue en buste de Caligula, 2e quart du ier s. apr. J.-C., conservée au musée du Louvre, no de cat (...)

29La régularité des traits, l’absence de rides comme de rides d’expressions caractérisent un visage idéalisé. Le visage aux joues pleines, la bouche charnue soigneusement dessinée et le nez droit participent à l’image d’un jeune homme quasiment héroïsé. La bipartition de la frange frontale, avec une fourchette centrale séparant les mèches en deux séries symétriques encadrées aux angles du front par des mèches rabattues vers le centre, est caractéristique de l’époque julio-claudienne, précisément l’époque de Tibère à Claude. C’est plus particulièrement le type Chiaramonti rattaché à l’iconographie de Tibère qui influence la coiffure de l’œuvre de Briord. Ce type de portrait de Tibère (Hertel 2013, III E, p. 52-68, Beilage 9) a été créé entre 10 et 13 apr. J.-C. (Hertel 2013, p. 101). Le noyau du groupe de type Chiaramonti est constitué de quatre portraits (Jesi [Marches, Italie] ; Nîmes [Gard] ; Chiragan à Toulouse [Haute-Garonne] ; Woburn Abbey [Bedfordshire, Angleterre] : Hertel 2013, nos 64, 71, 79 et 83). Autour de ceux-ci s’articulent les diverses copies et variantes dont la datation peut s’échelonner jusqu’au début du règne de Claude. Cette coiffure anime également les physionomies des princes descendants de Drusus. Un bel exemple de cette frange courte avec le schéma du type Chiaramonti se développe aussi sur le portrait de Caligula du musée du Louvre provenant de Thrace5 (Kersauzon 1986, I, no 84, p. 180-181). Ce principe de la frange courte à petites mèches fines qui démarre très bas depuis la masse capillaire du crâne se retrouve sur les portraits privés qui cherchent à imiter ou à s’inspirer de la mode impériale. On citera les exemples du musée du Capitole à Rome s’échelonnant de la fin du règne d’Auguste à celui de Claude (Fittschen et al. 2010, no 50, taf. 53 ; no 51, taf. 54 ; no 52, taf. 55 ; no 53, taf. 56 ; no 54, taf. 57). Sur la statue de Briord, l’influence de l’image impériale se reflète dans l’application méticuleuse mise à la réalisation de cette frange très courte, soigneusement découpée et schématisée.

30Le corps drapé offre trois particularités remarquables : la forme de la toge, le déhanchement et le drapé sinueux. Le rabat formé par le tissu retombant de l’épaule gauche et qui pend, retenu par la main droite, est une caractéristique originale de cette œuvre, qui attire immédiatement l’attention. Il est placé sur une toge d’apparence traditionnelle avec un large sinus, la toga praetexta, qui était depuis l’époque d’Auguste au moins la tenue « officielle » utilisée exclusivement par le citoyen romain et ses fils (Sebesta 2005). Parmi les nombreux exemples de toges de la première moitié du ier s. apr. J.-C. comportant les deux épaules couvertes, un long sinus et donc l’utilisation d’une masse de tissu importante, on citera simplement en Espagne les togati du groupe impérial du péristyle du théâtre de Mérida (Espagne) (Tibère et Drusus : Trillmich 1993, p. 113-114) et un togatus de jeune homme daté du règne de Claude provenant du forum de la colonie de Tarragone (Espagne) (Goette 1990, p. 124, no 237). De même, la toge que revêt Tibère (ou plutôt Germanicus) représenté sur le pilier de Nimègue (Pays-Bas), daté de 16 apr. J.-C., est également un bon exemple (Harl 2019, p. 179, abb. 34). Toutefois, ces toges citées présentent un umbo plus ou moins développé et un balteus, alors que celle de Briord a la particularité de ne pas posséder d’umbo, dont on place généralement l’arrivée à l’époque d’Auguste. Mais il est probable qu’elle fut assez longue, allant presque jusqu’aux pieds, détail qui caractérise les toges de l’époque impériale.

  • 6 Autel de Domitius Ahenobarbus, 2de moitié du iie s. av. J.-C., conservé au musée du Louvre, no de c (...)

31La statue de Briord garde toutefois dans sa composition un certain nombre de références aux toges du ier s. av. J.-C. Si l’ouvrage de Hans Rupprecht Goette (1990) demeure la référence dans l’étude des toges, particulièrement celles de l’époque impériale, le groupe des togati de la République et du tout début du Principat a été plus précisément analysé par Diana E. E. Kleiner et Fred S. Kleiner dans une étude portant sur les togati de Rome et de sa proximité (1980-1981). Ils constatent que ces statues, bien souvent funéraires, sont en pierre, le marbre n’intervenant que vers 30-20 av. J.-C., et l’arrière de ces statues est généralement simplement dégrossi (Kleiner, Kleiner 1980-1981, p. 126-127). Ces auteurs répartissent cet ensemble en deux groupes distincts : le groupe des « Manteltoga », où le bras droit est en travers de la poitrine et la main droite vient s’entortiller dans, ou se porter sur l’épais balteus entourant le cou et les épaules (Bieber 1959 ; pallium-typus de Goette 1990, p. 24-26, type AB, no 39, pl. 2,4 ; no 80, pl. 3,1 no 86-89, pl. 3, 2-6 par exemple), et le deuxième groupe dit « Schrägtoga », qui comporte une plus grande liberté de forme et qui va être à l’origine de la forme de la toge plus ample de l’époque impériale, gardant le bras droit libre de tout mouvement (Kleiner, Kleiner 1980-1981, p. 127). Ce bras droit libre permet par exemple de faire une libation comme l’accomplit le sacrifiant sur la base dite de Cn. Domitius Ahenobarbus au musée du Louvre6 (Huet 2012, p. 49, fig. 2). Dans le groupe « Manteltoga », la main gauche visible tient, lorsqu’il est conservé, un rouleau qui devient un attribut pratiquement indissociable du togatus. La jambe droite est généralement la jambe d’appui dans ce groupe. La jambe gauche légèrement pliée laisse alors voir la cuisse moulée dans la draperie lisse. Un gros pli vertical tombe entre les genoux (voir les exemples de Rome : Kleiner, Kleiner 1980-1981, pl. XIV, fig. 2 ; pl. XLV, fig. 1 et 2 ; pl. XLVIII, fig. 1 et pl. XLIX, fig. 1 et 2). Le sculpteur de Briord a repris ce schéma en inversant la pondération. La jambe d’appui est la droite et la jambe chassée est la gauche. Le pli mouillé de la cuisse se retrouve sur la jambe droite, et il a choisi d’en accentuer l’effet en dégageant la hanche et plus bas le genou et la jambe. Le buste s’en trouve élargi. Une autre particularité de ce groupe est la forme des plis à la bordure ondulée qui retombent du bras gauche (Kleiner, Kleiner 1980-1981, pl. XLIII, fig. 1 ; pl. XLVI, fig. 1-2 ; pl. XLIX, fig. 1-2), mais ces plis sont encore plus significatifs dans le second groupe (Kleiner, Kleiner 1980-1981, pl. LI, fig. 1-2 ; pl. LII, fig. 1 ; pl. LIV, fig. 1-2). Ces ondulations du tissu qui tombent du bras gauche sont une représentation fidèle du mouvement du tissu issu d’une observation réaliste, si le tissu n’est pas trop épais. Cette forme de pli va encore perdurer dans la période julio-claudienne, les togati cités plus haut de Mérida et de Tarragone en sont pourvus ainsi que le togatus du relief de Nimègue (Pays-Bas). Le vif déhanchement de la statue de Briord peut être considéré également comme un emprunt à des formes anciennes, par exemple dans le deuxième groupe Kleiner (pl. LI, fig. 1) et l’exemplaire conservé à la Ny Carlsberg Glyptotek (Johansen 1994, p. 82-83, no 29), où l’on peut voir dans ces cas la draperie s’ajustant étroitement tout le long du corps du côté droit.

32Sur les togati de Mérida par exemple, datés du début du ier s. (Nogales 2009, p. 479, fig. 1 a-b, p. 473, fig. 3 a-b), on peut constater que les plis de la toge tombant du dos côté droit se raccordent visuellement à ceux représentés contre le corps. Sur la toge de Briord, le sculpteur a dissocié les plis verticaux tombant de l’épaule et les plis collés au corps du côté droit. Ce parti pris complique notre compréhension du vêtement, d’autant plus qu’il n’y a ni balteus ni umbo. Comment interpréter ce morceau de tissu flottant tenu par le personnage dans la main droite ? Cette formule adaptée à une toge, il faut le constater, n’a pas obtenu un franc succès et cette disposition est plutôt rare. Draper une toge demande un certain tour de main et sa mise en place deviendra de plus en plus compliquée tout au long de l’époque impériale.

  • 7 Nous remercions pour cette photographie la professeure Isabel Rodà et le musée archéologique de Bar (...)
  • 8 Nous remercions pour cette photographie la professeure Fulvia Ciliberto, Marta Novello et le Museo (...)

33On pourrait chercher l’origine du rabat tombant sur l’épaule et tenu par une main dans des motifs de statues portraits drapées, masculines et grecques, par exemple dans la série des sculptures masculines (philosophes, statues funéraires) dites de Kos (Grèce), où le manteau ne couvre plus tout le corps à partir de 300 av. J.-C. (Lewerentz 1993, typus II, p. 18-160 ; Queyrel 2016, p. 167-170, fig. 150 et 151). Ce motif essaime au cours du iie s. av. J.-C. dans la statuaire votive du sanctuaire ibérique du Cerro de los Santos (Truszkowski 2006, p. 156-157, pl. 57 à 59). Presque en même temps, à Délos (Grèce), une grande effigie masculine acéphale portant par-dessus sa tunique un manteau chargeant l’épaule gauche, retenu à la taille par la main droite, ainsi qu’une statue portrait de la Maison des Masques développent ce motif en insistant sur la position du bras droit qui retient le manteau (Marcadé 1969, 4172, p. 324, pl. LXIX ; 4136, p. 323, pl. LXVIII). Jean Marcadé soulignait que même si ces vêtements ne sont pas des toges : « on imagine mal dans la sculpture “républicaine”, un Romain retenant ainsi de la main droite, à la hauteur du ventre, l’ampleur chiffonnée de son manteau et le long pan qui revient sur le devant du corps » (Marcadé 1969, p. 323). Daté de la période julio-claudienne, un togatus mis au jour à Barcino (Barcelone, Espagne, sous le Palacio Real Mayor : Balil 1960, p. 122, fig. 1), montre un morceau de tissu libre retenu par la main droite placée assez bas sur l’abdomen (fig. 11, A)7. Cette toge se caractérise par un large sinus au genou et on devine derrière le bras droit un balteus dans lequel vient se glisser l’umbo bien visible. Le morceau de drapé que l'on retrouve à Briord descend de la partie du tissu destinée à l'umbo. Cette disposition est assez particulière et le port de la toge a fait l’objet de maintes expérimentations (Heuzey 1922 ; Bieber 1977 ; Goette 1990). On pourra regarder pour la formation de l’umbo la photographie de Wilson (1924, p. 127). De bons exemples de togati du début du ier s. apr. J.-C. ont été également mis au jour à Aquilée en Italie (Scrinari 1972, avec les corrections de datation dans Facchini 2000-2001). Particulièrement, un exemplaire pourvu d’une ample toge qui fait deux fois le tour du corps développe un balteus à la taille et une épaisse draperie sur l’épaule gauche avec un ajout de tissu pour amorcer l’umbo (Ciliberto 2011, p. 104-105, fig. 3). L’arrangement de la draperie sur sa poitrine rappelle encore les anciennes figures (fig. 11, B)8. Des caractères de la toge de Briord et de ce motif si particulier du tissu pendant de l’épaule émergent à la fois les influences italiques et les recherches du début du ier s. autour de la toge et de son développement vers la toge de l’époque impériale.

Fig. 11 – Comparaisons de statues de togati

Fig. 11 – Comparaisons de statues de togati

A, Palacio Real Mayor, Barcelone (Espagne) ; B, Aquilée (Italie) ; C, Annoisin-Chatelans, Musée-Maison du Patrimoine de Hyères-sur-Amby (Isère).

Cliché A : Isabel Rodà ; cliché B : Archivio fotografico del Museo Archeologico Nazionale di Aquileia (inv. no 4069) ; cliché C : Y. Bobin (CD Isère, in Rémy 2002, p. 62).

34Toutefois, malgré une certaine fantaisie, le geste du bras droit du togatus de Briord en travers de la poitrine évoque le geste des togati des premières générations pris dans les plis du vêtement. Ce geste n’est pas seulement de convention, mais il revêt une valeur morale, exprimant le refus de tout excès dans les actes et dans les paroles. Il manifeste la dignitas du citoyen romain. La toge devient le vêtement de référence ; bien plus qu’un vêtement, c’est un symbole culturel. On se souvient du célèbre passage de Suétone à propos d’Auguste chargeant les édiles de ne laisser désormais les gens stationner sur le forum ou dans ses alentours qu’après avoir quitté le manteau couvrant la toge : « les Romains maîtres de l’univers, le peuple vêtu de la toge ! » (Suétone, Vie d’Auguste, XL, 5). Caroline Vout questionne même l’image de la toge pour y voir une représentation de vêtement plus qu’un vêtement lui-même (Vout 1996, p. 206).

35Le sculpteur a idéalisé les traits d’un jeune notable, citoyen romain. On ne peut proposer d’identification plus précise à défaut d’indices supplémentaires, une inscription bien entendu, mais aussi la forme de ses chaussures qui aurait pu nous indiquer plus précisément son rang social. Le volumen est associé à la toge et peut appartenir à un togatus non voilé qui fait un sacrifice (Huet 2012, p. 60-61, fig. 15), ce qui ici n’est pas le cas. Le travail a sûrement été rapide, car l’œuvre a des parties inachevées. La partie arrière à peine ébauchée donne par ailleurs l’hypothèse de l’installation de la statue dans un monument. Le travail a toutefois été fait consciencieusement pour l’essentiel, compte tenu de la dureté du matériau. De mémoire, probablement, le sculpteur a emprunté les motifs de la frange et placé ses points de repères. La proximité de l’approvisionnement du matériau a sûrement aidé à la rapidité de l’entreprise, mais si l’on regarde le corpus de Lyon, il n’a été que peu utilisé pour des sculptures en rondes-bosses (Darblade-Audoin 2006, nos 044, 058 et 073).

36Ce sculpteur était-il attaché à une carrière locale ou était-il de passage ? Sa présence a pu être facilitée par la proximité des voies de communication dont le Rhône, mais également le réseau routier important dans ce secteur à la croisée des voies entre Lyon-Vienne et l’Italie (Poux, Borlenghi 2016, p. 141-145 ; Buisson 2017, p. 88 et fig. 16). L’hypothèse d’ateliers de sculptures itinérants est plus que probable en Gaule (Darblade-Audoin 2006, p. XXXVII-XL). L’idée d’artisans spécialisés dans les monuments funéraires avait d’ailleurs été soutenue par F. S. Kleiner (1977). Cet « atelier des Mausolées » travaillait dans la première partie du Principat d’Auguste dans le midi et jusqu’à Lyon. Il avait réalisé entre autres le mausolée de Glanum (Saint-Rémy-de-Provence, Bouches-du-Rhône) (Gros 1986, p. 80, datation entre 30 et 20 av. J.-C. ; Roth-Congès 2009, datation triumvirale). F. S. Kleiner avait établi une relation de facture entre un des togati du mausolée de Glanum (Roth-Congès 2009, fig. 4) et un togatus d’un monument funéraire de Lyon (Darblade-Audoin 2006, no 261). Effectivement, la parenté entre ces œuvres (togati pallium-typus) est très étroite, mais même avec une datation toujours en discussion pour Glanum, elle est cependant beaucoup trop haute pour que cet atelier ait pu intervenir à Briord. Il existe un autre togatus, également pallium-typus, de datation plus proche de Briord découvert à Lyon, dans un contexte non funéraire (Darblade-Audoin 2006, no 081, pl. 62). Les fragments de ce dernier proviennent du secteur de Fourvière (bas de la colline, fouilles du musée Gadagne), cœur de la colonie de Lugdunum. Son bras droit était enveloppé par la draperie qui passait autour du cou par un gros bourrelet de tissu.

  • 9 Nous remercions le Musée-Maison du Patrimoine de Larina à Hières-sur-Amby (Isère) pour son accueil (...)

37Cet exemple lyonnais en marbre blanc peut se rapprocher étroitement par sa forme, la facture de la tunique et la position des plis, de la draperie d’un togatus mis au jour à Annoisin-Chatelans (Isère) (fig. 11, C)9 (Rémy 2002, fig. p. 62, p. 58-67 ; Bertrandy et al. 2011, fig. 12, p. 60-61 ; Porte 2011, fig. 82, p. 72). Annoisin-Chatelans est situé non loin de Briord et la statue en calcaire du Midi est pourvue d’une tête en calcaire coquiller, très mutilée. Cependant, la main droite du togatus d’Annoisin est visible, parti pris stylistique à mi-chemin entre Lyon et Briord. Cette statue aurait été mise au jour en 1860 dans les « débris d’une construction » au lieu-dit Grand Champ, près de l’étang de Gilieu, là où une tradition orale rapporte l’existence d’une tombe romaine.

38Si les togati de la Rome républicaine étaient bien souvent funéraires, et si l’émergence des notables locaux a favorisé la diffusion des togati funéraires dans tout l’Empire et en Gaule, les exemples de Lyon et d’Annoisin (datés à partir d’Auguste) montrent qu’un même type de toge peut appartenir à un contexte archéologique bien différent.

*

* *

  • 10 Diagnostic archéologique « Le Cimetière » en 2018 (Le Saint Quinio 2019) ; diagnostic archéologique (...)

39Les récentes opérations archéologiques préventives réalisées à Briord10, en touchant non plus la périphérie mais l’agglomération antique elle-même, ont apporté des avancées significatives en permettant l’identification d’une voie principale antique (ier-iiie s.), bordée par un ensemble funéraire en périphérie nord, des bâtiments au sud, puis une portion de trame urbaine et probablement un ensemble thermal.

  • 11 Nous remercions Elio Polo pour ces informations issues de la fouille de 2021, rapport à paraître.

40Le diagnostic mené en 2020 a en outre permis de reconnaître, en bord de voie, un ensemble de maçonneries et un remblai qui a livré une statue représentant un togatus. Cette dernière, caractérisée par plusieurs particularités stylistiques, est celle d’un personnage privé, jeune aristocrate installé en territoire allobroge, dont la coiffure est inspirée d’un type impérial en usage de Tibère à Claude. Elle ornait un possible mausolée dont les débris de moulures et dalles calcaires ont été retrouvés dans les remblais, ce que confirmeraient les fragments de chapiteau et un grand vase en calcaire découverts lors de la fouille11.

41L’emplacement du monument pourrait également être à rechercher vers le Rhône à l’image de l’édicule découvert en 2018 au lieu-dit le Cimetière, à 34 m au sud de la voie (Le Saint Quinio 2019, bât. 3).

42Sa destruction est intervenue en tout cas peu de temps après la construction, si l’on en juge par le mobilier présent dans le remblai également daté de la première moitié du ier s., avant 60 apr. J.-C.

43Cette démolition précoce trouve quelques parallèles en Gaule romaine, comme aux portes de Nîmes le long de la voie Domitienne (Barberan et al. 2014) ou à Vaison-la-Romaine (Vaucluse), au niveau d’un mur digue sur l’Ouvèze (Mignon 1999). Ce démantèlement de monuments funéraires, dressés à la mémoire des élites, peut s’expliquer par diverses raisons, comme les crues du Rhône au milieu du ier s., mais il peut répondre aussi à l’abandon du monument par la famille, avant sa spoliation et son remploi (Monteil, Van Andringa 2019, p. 5). Le monumentum n’étant plus entretenu et les rituels commémoratifs ayant cessé, le foncier pouvait alors changer de propriétaire.

 

https://journals.openedition.org/gallia/6884

Modificato da ARES III

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